UN PROJET DE LA VUB VISE À BRISER LE TABOU

Deborah de Moortel, professeur-chercheur à la VUB, a l’air ravie lorsque nous la rencontrons. Avec ses collègues du Compassionate Communities Centre of Expertise, elle vient de trouver des fonds pour mettre sur pied un projet de recherche concernant les lieux de travail empreints de compassion. Cela signifie qu’ils se joindront bientôt aux entreprises pour rechercher des méthodes permettant d’accorder une place sur le lieu de travail aux maladies graves, au deuil et à la perte d’un être cher.

Le décès d’un proche a toujours un impact important. Il affecte également les performances au travail. Des recherches menées aux Pays-Bas et en Belgique ont révélé que les travailleurs restent chez eux pendant 170 jours en moyenne après la perte de leur partenaire. Un quart des personnes endeuillées par la perte de leur partenaire ne reprennent pas du tout leur ancien travail. Cependant, un accompagnement adéquat peut faire baisser ces chiffres. Les entreprises n’ont donc pas à aller chercher bien loin pour trouver un argument supplémentaire, en plus d’une politique du personnel humaine, pour accorder une place aux expériences de fin de vie sur le lieu de travail.

La place accordée sur le lieu de travail à la maladie grave, au deuil et à la perte d’un être cher est le thème du projet que le professeur De Moortel et ses collègues veulent mettre en place à la VUB. « Pour l’instant, c’est encore trop souvent aléatoire. Un responsable empathique essaiera probablement de faire au mieux. Mais lui aussi peut manquer d’un savoir-faire essentiel. Ces thèmes ne sont pas faciles à traiter, car ils sont tabous. Nous préférons ne pas en parler. Mais garder le silence n’est pas la solution. Il est donc conseillé aux entreprises de réfléchir à une approche, même si elles n’ont pas encore été confrontées à cette situation. »

Que peut faire l’employeur ?

De Moortel : « Prévoyez du temps pour discuter et prenez des dispositions concrètes, en adaptant les horaires de travail ou les tâches après concertation, par exemple. Il faudra faire preuve d’une certaine flexibilité à certains moments. Les collègues directs prennent souvent spontanément en charge certaines tâches de la personne concernée. En tant qu’employeur, il est conseillé d’initier un entretien avec la personne endeuillée pour demander comment elle se sent et connaître ses besoins. Elle peut avoir besoin de temps, ou de reprendre le travail le plus rapidement possible pour se changer les idées. Les besoins sont donc très divers. Le site web de Compassionate Brugge propose un large éventail d’exemples, de conseils et d’astuces. La ville de Bruges est un précurseur en Belgique. En tant que compassionate city, elle a déjà rassemblé beaucoup d’outils à cet égard. »

Vous appuyez-vous également sur la législation ?

De Moortel : « Les mesures légales de soutien aux personnes endeuillées et aux aidants sont souvent méconnues des personnes qui y ont droit. Dans la pratique, nous constatons qu’en cas de deuil, les gens utilisent leurs jours de congé ou prennent un congé sans solde. Les collaborateurs RH peuvent évidemment jouer un rôle à cet égard en expliquant les options et en aidant les personnes concernées au niveau administratif. Car dans ces moments-là, on a autre chose en tête. »

Quels sont les objectifs de ce projet ?

De Moortel : « Nous souhaitons susciter une réflexion parmi les collaborateurs et responsables sur l’adoption d’un comportement compatissant au sein de l’entreprise par rapport aux collègues endeuillés ou qui s’occupent d’un proche. Chaque entreprise est différente, chaque personne est unique. Mais en période de deuil, les relations humaines sont essentielles. Dans un environnement de travail de plus en plus numérique, ces relations devront être renforcées. Éviter l’isolement social peut s’avérer difficile dans un environnement où le télétravail est omniprésent. Nous voulons recueillir des données, dans le plus grand nombre possible d’entreprises, sur ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas ainsi que sur les pistes proposées par les collaborateurs. Ceci nous permettra d’ensuite partager nos connaissances avec d’autres parties intéressées. »

Never Work Alone 2023 | Auteur: Lieveke Norga | Image: