La ménopause : sujet tabou au travail
« La pudeur n’aide pas à en parler »
Elke Haccour (48 ans) est ergothérapeute à l’UZ Leuven. Il y a plusieurs années, on lui a diagnostiqué un cancer du sein. Grâce à un traitement adéquat, elle en est guérie. Mais la chimiothérapie l’a plongée dans la ménopause. Et cela n’est pas sans conséquences.
« Au cours des derniers mois, on a beaucoup parlé de la périménopause. Pour ma part, c’est une étape que j’ai sautée », explique Elke. « La chimiothérapie m’a directement catapultée à la ménopause. J’ai pris dix ans d’un seul coup. Ma peau a changé, j’ai pris du poids, je dors moins bien et je suis beaucoup plus souvent fatiguée, je ne parviens plus à faire plusieurs tâches en même temps… »
Qu’est-ce que cela implique au niveau professionnel ?
Haccour :« Mes collègues disent qu’elles ne voient pas de différence. Mais moi, j’ai l’impression que ma capacité à travailler a considérablement diminué. Je me sens moins en forme, j’ai moins d’énergie. Je suis moins satisfaite de mon travail. Essayez donc de travailler quand la sueur dégouline dans votre visage. Je décompte avec impatience les jours qui restent avant le week-end, ce que je ne faisais jamais avant. Mais maintenant, j’ai réellement besoin de ces deux jours de repos pour récupérer de la semaine. Heureusement, dans notre secteur, les travailleurs plus âgés profitent de beaucoup de jours de RTT supplémentaires. Cela m’aide à poursuivre le travail. »
Est-il possible pour vous de parler de votre situation au travail ?
Haccour : « Oui, avec mes collègues. Je fais partie d’une super équipe. Après des années de collaboration, nous nous connaissons suffisamment bien pour pouvoir en discuter. Mais d’autres collègues ont encore du mal à en parler. »
Votre supérieur hiérarchique fait-il preuve de compréhension ?
Haccour : « Après mon traitement contre le cancer, j’ai abordé mes problèmes avec ma supérieure hiérarchique dans le cadre de mon processus de rétablissement. C’est plus facile que de parler de ménopause. Je constate que je suis pudique et que je doute de moi. Suis-je trop réservée ? Cela n’aide pas à aborder le sujet avec ma supérieure hiérarchique. Et j’ai pourtant de la chance que ce soit une femme. Avec un homme, ce serait encore plus difficile d’en discuter. Heureusement, elle a très bien réagi et a fait preuve de beaucoup de compréhension. Je ne peux plus tout gérer, je dois donc faire plus de choix désormais. »
Comment briser le tabou de la ménopause et de la périménopause ?
Haccour : « Ce n’est qu’en abordant le sujet que l’on y parviendra. Je suis très contente de pouvoir en parler avec mes collègues. Mais au travail, ce sujet devrait être abordé lors de l’examen médical annuel, et en particulier dans le secteur non marchand, qui emploie de nombreuses femmes. Pourquoi n’est-il pas repris dans le plan d’action annuel du Comité pour la prévention et la protection au travail ? Il serait bon d’évoquer ce sujet lors du comité et de chercher des moyens de le traiter. »
Cela reste un problème de femmes. Cela ne rend-il pas les choses plus compliquées ?
Haccour : « Peut-être. L’andropause est moins invasive. Il est difficile d’en parler avec les hommes, mais ce n’est pas un thème facile à aborder auprès des femmes non plus. J’ai moi-même eu du mal à accepter ma situation pendant longtemps. Je ressentais toutes sortes de sensations sans savoir réellement ce qu’il m’arrivait. C’est une bonne chose que l’on mette désormais ce sujet un peu plus en lumière. »
Quelle est votre situation au travail désormais ?
Haccour : « Cela se passe bien, merci. Je fais toujours face à certains défis que je dois relever. Je n’ai que 48 ans, c’est bien trop jeune pour ne plus avoir de défis à relever. Je veux être pleinement impliquée dans la société. Et travailler ! »
Never Work Alone 2024 | Auteur: Sandra Vercammen / Jan Deceunynck | Photo: Shutterstock