INQUIÉTUDES CONCERNANT LA CRISE ÉNERGÉTIQUE
Quelle température fait-il chez vous en ce moment ? Connaissez-vous la consommation de vos appareils électriques en mode veille ? Peut-être avez-vous prévu d’investir dans des panneaux solaires ? Chacun fait face à la crise énergétique à sa manière, mais il est certain que tout le monde la ressent. Mathieu Verjans et Bart Vannetelbosch, secrétaires nationaux à l’ACV, constatent que même les personnes ayant des revenus élevés sont vraiment inquiètes.
Avez-vous déjà baissé le chauffage d’un degré chez vous ?
Bart Vannetelbosch : « Nous avons depuis longtemps une gestion raisonnée de l’énergie, par souci écologique. Mais ce qui me frappe de plus en plus dernièrement, c’est que pour nous, baisser le chauffage est un choix. De moins en moins de personnes peuvent en dire autant. J’entends de plus en plus de gens dire qu’ils sont contraints de couper complètement le chauffage, voire de prendre des douches froides, alors qu’ils vont travailler tous les jours.
Mathieu Verjans : « Avec notre salaire, nous pouvons nous permettre de remonter le chauffage lorsque nous avons de la visite. Nous devrons peut-être réduire nos départs en vacances, mais avec les prix exorbitants de l’énergie, beaucoup de gens doivent choisir entre manger ou se chauffer. Il s’agit là de choix beaucoup plus drastiques. »
Cette crise touche-t-elle vraiment tout le monde ?
Verjans : « En ce moment, j’entends des témoignages similaires dans toutes les couches de la société. Parmi mes connaissances également, les gens expriment plus que jamais leur inquiétude. Jusqu’où les prix vont-ils encore grimper, combien de temps cela va-t-il durer ? Cela grève le budget de chaque ménage, et l’incertitude quant à l’avenir pèse sur le mental. »
Vannetelbosch : « Cette situation ne touche pas seulement la classe inférieure ou les chômeurs. Cela contribue à lever le tabou : il ne faut pas craindre d’être stigmatisé, car de très nombreuses personnes ont aujourd’hui des difficultés à payer leurs factures. »
À titre privé, il est possible de faire baisser sa facture d’énergie en investissant dans des mesures d’efficacité énergétique. Les prix élevés du gaz et de l’électricité favorisent-ils la transition vers l’énergie durable ?
Verjans : « Il me semble effectivement que les gens qui ont les moyens d’investir hésitent moins à le faire qu’auparavant. C’est une bonne chose pour le climat, mais d’un autre côté, cela révèle aussi les inégalités dans notre société. Bien souvent, ceux qui ont des revenus plus élevés habitent déjà dans des logements mieux équipés et isolés. Bien que les coûts de l’énergie soient beaucoup plus lourds à supporter pour tout le monde, ils frappent davantage les personnes à faibles revenus. »
Vannetelbosch : « En outre, il est plus difficile pour ces personnes d’investir dans des panneaux solaires, du double vitrage, une meilleure isolation… Lorsqu’on a du mal à payer ses factures, on préfère ne pas risquer de contracter un emprunt, même à taux très bas. »
Verjans : « C’est pourquoi il faut investir au niveau collectif dans une alimentation énergétique durable. Au lieu de compter sur chaque citoyen pour placer une installation géothermique ou des panneaux photovoltaïques, les sociétés de logements sociaux et les autorités devraient être capables de produire de l’énergie à grande échelle pour tout un quartier. »
Les tarifs sociaux et les primes ne sont-ils donc pas suffisants ?
Verjans : « Nos gouvernements ont choisi d’étaler très largement l’aide publique. Bien évidemment, ce petit bonus est appréciable, même pour les personnes qui, comme nous, ont un revenu plus élevé. Mais on peut aussi se demander s’il n’aurait pas mieux valu que cet argent aille à ceux qui en ont réellement besoin.
De plus, le tarif social de l’énergie et les autres mesures de ce type ne sont pas toujours automatiquement octroyés à ceux qui y ont droit. Et pendant ce temps, les fournisseurs d’énergie continuent d’engranger de très gros bénéfices. En les écrémant, les autorités pourraient garantir une consommation de base de gaz et d’électricité pour les faibles et moyens revenus. »
Vannetelbosch : « Par ailleurs, nos autorités doivent miser davantage sur l’énergie durable et locale. Notre pays est trop dépendant des importations de pétrole et de gaz naturel, qui proviennent souvent de régimes non démocratiques. Ce n’est que lorsque nous produirons suffisamment d’énergie chez nous, à partir de sources renouvelables, que nous pourrons maîtriser les fluctuations des prix sur le marché de l’énergie. Cela profitera alors à tout le monde. Y compris aux autorités, qui devront moins intervenir. »
Quid des entreprises, quel rôle ont-elles à jouer ?
Vannetelbosch : « Aujourd’hui, les prix élevés de l’énergie posent des difficultés à chaque travailleur et à chaque entreprise. À court terme, il faut donc faire en sorte que les gens puissent payer leurs factures et que l’économie continue de tourner. Sans perdre de vue que cette transition écologique est aussi une nécessité absolue. Tant pour la planète que pour notre porte-monnaie. »
Verjans : « Nous devons nous tourner vers les énergies renouvelables, quelles que soient les difficultés. Cette transition doit aussi être équitable et offrir des perspectives pour tout le monde. C’est pourquoi il est crucial pour les entreprises de s’y atteler sans tarder. Quels investissements sont nécessaires ? Qu’implique la transition pour les collaborateurs ? Ces questions doivent être abordées via la concertation sociale, mais les travailleurs peuvent aussi s’informer à ce sujet au sein de leur entreprise. Nous devons tous surveiller la situation, car nous sommes tous concernés. »
Never Work Alone 2023 | Auteur: Griet Rebry | Image:Daniël Rys – Shutterstock