L’INCLUSION À TRAVERS LE REGARD D’UNE CRÉATRICE DE RÉSEAUX PASSIONNÉE
Pendant l’été, j’ai rencontré Claire Godding via Teams. Malgré la barrière de l’écran, j’ai tout de suite su que je faisais face à une personne chaleureuse. Je suis heureuse que cette Senior Expert Diversity, Inclusion & Societal Needs, coprésidente de Women in Finance depuis trois ans, me fasse part de ses années d’expérience dans le domaine de l’inclusion, des genres et de la diversité. Le cheval de bataille de Claire c’est « L’expertise est présente partout, mais la visibilité, c’est une autre paire de manches ». Nous avons eu un entretien fascinant sur un sujet souvent polarisé. Je suis convaincue qu’en plus de m’inspirer et de vous inspirer, cet entretien vous fournira également des outils concrets.
Comment un collègue proche vous décrirait-il ?
Godding : La plupart de mes collègues savent que je suis une très bonne créatrice de réseaux. J’ai fait le compte il y a peu : j’ai créé 7 à 8 réseaux à mes débuts et ils sont toujours actifs. Il y a dix ans, j’ai fondé Diversity Managers Association Belgium, un réseau d’entreprises issues d’un large éventail de secteurs qui investissent activement dans la diversité et l’inclusion. Nous nous réunissions quatre fois par an dans les locaux de l’un des membres. En septembre, nous nous réunirons chez Decathlon pour partager nos expériences sur un sujet spécifique.
Quel est le pouvoir de la création de réseaux ?
Godding : Afin d’avoir un impact progressif sur la culture d’entreprise, j’ai lancé six réseaux internes différents chez BNP Paribas Fortis, où j’ai été responsable de la diversité et de l’inclusion pendant dix ans. L’un d’entre eux est un réseau de genres, qui continue d’évoluer à l’heure actuelle. Tout le monde est le bienvenu, peu importe le genre, ce qui permet précisément d’accélérer le processus vers l’égalité des genres. Les connexions mutuelles et les contacts avec la direction permettent une visibilité progressive des membres du personnel et de leurs talents au sein de l’entreprise. Grâce aux réseaux multiculturels, les responsables découvrent soudain les talents de collaborateurs issus de milieux ethniques et culturels différents.
Qu’est-ce qui vous préoccupe particulièrement pour l’instant ?
Godding : Le sexisme, qui est un thème resté longtemps sous le tapis. Il y a trois à quatre ans, ce thème était rarement inscrit au programme du monde des entreprises. Mais une culture où le sexisme est manifestement présent réduit la confiance en soi des femmes, au point parfois qu’elles intériorisent le sexisme. Des déclarations telles que : « Cela ne fonctionne pas sur mon PC, c’est certainement parce que je suis blonde. Haha… » ne sortent pas de nulle part. Pour être acceptées, les femmes doivent parfois aller jusqu’à rire aux blagues sexistes de leurs collègues masculins afin d’éviter qu’on leur reproche un manque d’humour, par exemple. Ce n’est pas normal. Le sexisme ne se présente pas toujours sous la forme d’un comportement grave susceptible d’être sanctionné par la loi. Les blagues apparemment amicales, sans intention de blesser, ont également un impact. Si une entreprise ne réagit pas, le situation reste inchangée. Il en va de même pour les micro-agressions racistes.
Quel accomplissement vous rend la plus fière ?
Godding : Des techniques concrètes existent pour développer l’inclusion au sein d’une organisation. Nous avons élaboré une boîte à outils contenant 25 outils, dont notamment un arbre de décision pour aider les témoins d’agression à prendre des mesures : que puis-je faire ? ; Comment m’adresser à un agresseur ou à une victime ? …
Women in Finance est une autre grande réussite. Il s’agit du réseau le plus visible de ces trois dernières années qui vise les entreprises financières qui souhaitent accélérer le processus vers l’égalité des genres. Avec des collègues de diverses institutions, nous nous réunissons systématiquement pour partager des mesures en matière de recrutement et de sélection, de création de réseau, de travail inclusif, etc. Après trois ans, 48 entreprises ont signé la charte non contraignante et se sont engagées à évaluer le plafond de verre annuellement. Nous proposons une méthodologie qui permet à ces entreprises d’identifier les domaines dans lesquels la présence féminine est en déclin. La pression sociale (« peer pressure ») contribue à adhérer à la charte : « Si l’entreprise x est membre, nous devrions le devenir aussi ». Même s’il ne s’agit pas d’une bonne raison pour adhérer, c’est au moins une motivation efficace.
En quoi le leadership fait-il la différence ?
Godding : L’élément prioritaire est l’engagement de la direction de l’entreprise, accompagné d’une communication claire. La direction doit aborder l’importance de l’inclusion et du respect, et encourager le personnel à s’exprimer lorsque de mauvais comportements sont constatés. Tant les victimes que les témoins doivent faire entendre leur voix, qu’il s’agisse de sexisme, de racisme ou d’autres types de discrimination et de comportements inappropriés. L’aide disponible en interne doit être mise en lumière pour que les paroles se traduisent en actions.
Dans quels domaines la progression est-elle trop lente ?
Godding : Bien que plus de 50 % des travailleurs du secteur bancaire belge soient des femmes, le pourcentage de femmes occupant des postes de haute direction s’élève seulement à 28 %. Des progrès sont constatés, mais ils sont relativement lents. La présence féminine ne s’élève qu’à 1/3, nous ne pouvons donc pas parler d’un potentiel de diversité des genres. De plus, 37 % des femmes occupant un poste de haute direction envisagent de le quitter, ce qui représente un pourcentage très important. Pourtant, la diversité des genres est nécessaire pour prendre de meilleures décisions, pour devenir plus professionnels, pour mieux gérer les risques et pour stimuler l’innovation. Tout cela est fondamentalement lié à une grande diversité, à tous les niveaux, dans toutes les équipes – en termes de genre, de langue, de génération et de culture au sens large. C’est ça, l’inclusion.
Êtes-vous une adepte des quotas ?
Godding : Les femmes travaillent dur, mais ne sont souvent pas assez visibles. Les modèles féminins inspirants ont un impact évident sur les ambitions des autres femmes. Afin de donner aux femmes davantage de chances d’obtenir des postes de niveau plus élevé, des quotas pertinents fixés par l’organisation elle-même sont intéressants. Par exemple, une entreprise a abandonné un objectif général : « D’ici trois ans, les directeurs de banque doivent compter 50 % de femmes ». L’objectif a été concrétisé : « Étant donné que nous avons un grand potentiel de femmes occupant des postes au niveau juste en dessous des directeurs de banque, 50 % des nouvelles nominations de directeurs de banque chaque année devraient concerner des femmes ». Résultat : la proportion de femmes directrices de banque est passée de 24 à 41 % en trois ans. Les institutions préfèrent donc parler d’objectifs plutôt que de quotas.
Quel conseil souhaitez-vous donner ?
Godding : Je dirais aux hommes qui occupent des postes de direction : soyez ouverts à l’apprentissage. Vous ne savez pas tout, prenez le temps de parler avec les femmes, écoutez-les. Je dirais aux femmes occupant des postes de direction : saisissez l’occasion d’être authentiques. Pour de nombreuses femmes, l’adoption d’un style masculin a longtemps été la seule option pour atteindre le sommet. Pour les femmes plus jeunes, le défi consiste à ne pas rechercher la perfection, car cela ne contribue pas à leur carrière et absorbe toute leur énergie positive.
Quel est votre message ultime ?
Godding : « You can’t be what you can’t see ! » Lors d’un événement organisé après la pandémie de coronavirus, cinq hommes blancs de la même génération ont présenté une analyse de la situation post-pandémie. Pour mettre un terme à cette situation, nous avons créé le site www.inclusivepanels.be avec des experts en matière de genre du Nord et du Sud. Il contribue à l’engagement des organisations à inviter systématiquement un mélange d’experts pour rassembler des panels ou dans le cadre de conférences. Il aide à diffuser le message suivant : qui que vous soyez, vous avez votre place !
www.inclusioninfinance.be | téléchargez un e-book comprenant 25 outils (FR/NL/EN)
www.inclusivepanels.be | signez la charte pour un meilleur équilibre entre les genres, les générations et l’origine, ou pour trouver un intervenant
Never Work Alone 2022 | Auteur: Sandra Vercammen | Image: Daniël Rys