Gérer le burn-out

Un projet pilote montre l’importance d’une intervention rapide

La forte progression du burn-out comme cause d’absentéisme de longue durée a déjà été largement évoquée dans les médias. Fedris, l’Agence fédérale des risques professionnels, contribue à la recherche de solutions. Ces dernières années, elle a mis sur pied un projet pilote dans les secteurs bancaire et des soins de santé. Nous avons demandé aux collaborateurs de la Cellule Burn-out quels étaient ses résultats.

Quel était précisément l’objectif de l’enquête ?

Karolien Kerckhofs : « Le projet s’inscrit dans le cadre de notre mission préventive. Fedris entend offrir aux travailleurs un soutien précoce dès les premiers symptômes. Nous voulons ainsi éviter que les symptômes ne s’aggravent. Nous voulons aussi favoriser le maintien de l’emploi et le retour au travail. Durant le projet, les participants ont pu suivre un trajet d’accompagnement gratuit et personnalisé auprès de professionnels de notre réseau d’assistants, basé sur l’étude de la littérature et les compétences de Fedris. Entre janvier 2019 et décembre 2022, plus de 1 400 travailleurs des secteurs bancaire et des soins de santé ont pu suivre le trajet d’accompagnement. Les résultats montrent l’impact positif du trajet d’accompagnement proposé et prouvent l’efficacité de la prévention secondaire à un stade précoce de burn-out lié au travail. »

Quelles ont été les conséquences du trajet sur la santé des travailleurs ?

Phebe Voets : « Une évaluation scientifique approfondie a permis de conclure que le trajet était un succès au niveau du traitement du burn-out et des troubles secondaires comme la dépression, l’anxiété et le stress. La santé physique et psychologique des personnes concernées s’est considérablement améliorée. Pour 75 % d’entre elles, il n’est plus question de burn-out au terme du trajet. Des effets positifs peuvent être observés sur le bien-être général et le bien-être au travail (par ex. exécution des tâches, sommeil, qualité de vie et équilibre travail/vie privée), et ce, même au bout de six mois. La consommation de soins diminue. Cette baisse concerne tant le nombre de consultations auprès de professionnels de la santé que le nombre d’examens médicaux et la consommation de médicaments. Vous trouverez plus de détails sur www.fedris.be »

Quel a été l’impact du trajet sur l’emploi ?

Liese Meiresonne : « 55 % des participants étaient en incapacité de travail au moment de la demande. Après le trajet, 80 % ont repris le travail, même si ce n’était souvent qu’à temps partiel. Près de 90 % sont restés auprès du même employeur, et 70 % ont conservé leur ancien poste. Dans 30 % des cas, l’employeur a réalisé des adaptations, par exemple en modifiant l’horaire, en réduisant le nombre d’heures de travail, en prévoyant une autre fonction ou une mutation vers un autre département… Sur le plan de l’organisation du travail, il est possible de mieux faire. Le conseiller en prévention-médecin du travail (CP-MT) ou le conseiller en prévention aspects psychosociaux (CP-AP) sont des figures centrales à cet égard. La mesure dans laquelle ils sont impliqués dès le départ influe sur les adaptations réalisées. »

Quelles conditions connexes doivent être remplies pour aboutir à un résultat positif ?

Caroline Dendoncker : « Pour pouvoir détecter le burn-out à temps et offrir dès que possible aux travailleurs l’aide la plus adaptée, nous devons renforcer les connaissances sur la souffrance psychique au travail. Nous devons sensibiliser les travailleurs, les organisations et les managers, mais aussi intégrer le thème dans la formation des acteurs de prévention et des médecins. Par ailleurs, il importe de confier le diagnostic de souffrance psychique au travail à des experts disposant des connaissances nécessaires. Durant le projet pilote, Fedris a développé un réseau de médecins et de psychologues disposant de cette expertise. »

Peut-on aussi entamer un tel trajet d’accompagnement de sa propre initiative ?

Florence Lebrun : « Étant donné les résultats positifs, le projet pilote va être pérennisé. Il va aussi être élargi à tous les travailleurs du secteur privé et des services publics provinciaux et locaux. Concrètement, le projet est ouvert aux travailleurs qui sont encore au travail ou qui sont en incapacité de travail depuis moins de deux mois et présentent les premiers symptômes du burn-out.

Que comprend un tel trajet individuel dans le cadre de ce programme ?

Karolien Kerckhofs : « J’aime évoquer l’exemple d’un travailleur soumis à une pression du travail trop forte en raison d’un manque de personnel, qui est en outre confronté à des changements organisationnels, à un manque de soutien de ses supérieurs, à un manque de reconnaissance et d’implication lors de la prise de décisions. Son travail le passionne, mais il ne parvient plus à terminer ses tâches. Il se plaint de problèmes de concentration, de douleurs cervicales et musculaires, de maux de tête, de troubles du sommeil… Il perd sa motivation et son énergie. Il se sent épuisé. Il va voir son conseiller en prévention, qui introduit pour lui une demande chez Fedris. En se basant sur la séance de diagnostic, l’accompagnateur de trajet coordinateur identifie des facteurs sur le lieu de travail, mais aussi des facteurs personnels. Dans cet exemple, le coordinateur et le travailleur se penchent sur les facteurs de risque psychosociaux au travail, sur leur impact et sur la manière de les gérer : récupérer des heures supplémentaires, gérer une charge de travail excessive, chercher un moyen afin d’être moins joignable… Mais ils examinent aussi si le travailleur ne place pas la barre trop haut, pour lui-même et pour les autres. Des séances chez le kinésithérapeute l’aident à se reconnecter à son corps au moyen d’exercices de détente musculaire, et à récupérer son énergie.

Cet exemple montre que grâce à une analyse détaillée de la situation et des besoins individuels, l’accompagnateur de trajet coordinateur peut élaborer un trajet individualisé et adapté. L’accompagnateur de trajet a identifié des points de suivi spécifiques pour les acteurs de prévention. Avec le consentement du travailleur, ils ont été communiqués au médecin du travail pour qu’il formule ensuite des propositions à appliquer sur le lieu de travail. À la fin du trajet, le travailleur participe à des séances de suivi pour réfléchir aux effets du trajet. »

Les travailleurs qui se reconnaissent dans les situations évoquées dans cet article peuvent télécharger le formulaire de demande sur le site web de Fedris et le compléter avec leur médecin traitant ou avec l’un des acteurs de prévention. Ils doivent ensuite le transmettre à la Cellule Burn-out Fedris, Avenue de l’Astronomie 1 à 1210 Bruxelles.”

Pour plus d’informations Cellule burn-out : 02/272 21 70 – burnout@fedris.be – www.fedris.be

Author: Jan Deceunynck | Image: Shutterstock